L\'ère "management papa" touche fin.

A l’occasion de l’événement “L’Innovation Managériale à deux voix” qui s’est tenu à Lyon en décembre dernier, Les Echos Start a demandé à trois personnalités leur vision du manager du futur.

Le monde du travail change à toute vitesse, transformé par la révolution numérique et une nouvelle génération qui refuse le management “à la papa”. “L’innovation managériale doit permettre de s’adapter aux innovations technologiques en cours. Si on a le Brexit, les gilets jaunes ou encore une augmentation des arrêts de travail, c’est parce qu’on n’a pas encore réussi à réinventer le management”, assure Thierry Nadisic, professeur à l’EM Lyon.

Mais comment réinventer le rôle du manager ? Emmanuelle Duez, Julia de Funès et Nicolas Bouzou livrent leurs pistes de réflexion.

“Just a nice guy” : Emmanuelle Duez, fondatrice The Boson Project

“Le leadership plébiscité par les jeunes ? ‘Just a nice guy’, Selon l’étude que nous avons réalisé auprès de 7.000 collaborateurs de moins de 30 ans et au moins bac+2. Les mots qui ressortent le plus pour définir un bon manager sont “transparence”, “empathie” et “fragilité”, c’est-à-dire une capacité à reconnaître qu’on peut se tromper ou qu’on ne sait pas. C’est une définition du chef tout à fait différente de celle qu’on a actuellement.

Quand on sait que 91% des collaborateurs ne se sentent pas engagés dans leur entreprise selon une étude Gallup, la transformation managériale est inéluctable. Le manager d’aujourd’hui, c’est un cadre qu’on récompense par ce poste après des années de bons services. On lui ‘donne’ une équipe et il a le pouvoir de piétiner ou de faire grandir. C’est pour ça que les jeunes ne veulent plus être manager. Demain le mot ‘manager’ doit pouvoir faire rêver.

Redorer ce poste, c’est par exemple avoir un manager pour seulement 15 salariés et qui n’est pas un supérieur hiérarchique mais un cadre aux côtés de ses équipes. Il faudra recruter des gens qui ont la vocation managériale et les faire évaluer par les salariés qu’ils managent. Surtout, il devra avoir été formé et recruté pour être un manager. Ce qui sous-entend aussi de créer de vraies écoles de management.”

“Un manager qui (re)donne de l’autonomie” – Julia De Funès, philosophe et auteur

“Le travail de demain sera libéré, ce sera plus de télétravail, moins de normes et de procédures. C’est bien pour ça que notre livre a eu de l’écho : on étouffe sous les procédures. Le télétravail est un exemple concret d’amélioration du management car c’est un signe de confiance. Ne croyez pas qu’il s’agit seulement d’un gain de trajet, les salariés le plébiscitent car ils sont moins en représentation. C’est fatiguant de se comporter en public, quand on télétravaille on est libéré de l’image qu’on renvoie et on peut se concentrer sur l’essentiel : le boulot.

Le manager du futur devra apporter plus d’autonomie et d’authenticité. En fait, tout converge vers plus d’individualisme dans le travail, mais pas dans le sens péjoratif. Plutôt dans le sens de la liberté de l’individu. Le manager devra faire du ‘sur-mesure’ pour ses salariés”

“Le manager apportera des changements concrets” – Nicolas Bouzou, économiste et directeur du cabinet d’analyses Asterès

“Il y a un fort désengagement des salariés, le management va devoir changer pour y mettre fin. Mais au lieu d’aller au cœur de ce sujet, qui est le sens et l’autonomie, les entreprises apportent des subterfuges inadaptés. Je ne dis pas que c’est mauvais d’avoir du bio à la cantine, des cours de yoga le midi ou un babyfoot au bureau. Le danger, c’est que ces idées se substituent à un renouvellement efficace du management.

Dans le livre ‘Bullshit Jobs’, David Graeber explique que ça ne va pas mais que ça ne changera pas. Moi je pense qu’on peut améliorer le management avec des changements très concrets, comme en finir avec les formations débiles, les réunions dans tous les sens et l’utilisation du PowerPoint et en promouvant le télétravail. Mais attention, le sujet est la confiance et l’autonomie. Donc si un manager autorise le télétravail mais l’interdit le lundi et le vendredi car c’est proche du weekend et le mercredi car les salariés s’occupent de leurs enfants, c’est donner le signe contraire. S’ils sont bien menés, ces petits changements peuvent avoir un effet domino sur l’entreprise, sans avoir besoin de révolutionner le monde du travail. En termes d’autonomie, les pays scandinaves sont les meilleurs. Nous devrions nous inspirer de leur modèle.”

PAR AMÉLIE PETITDEMANGE – Lesechos.fr
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